La saga judiciaire de la contestation du DIPA
   (Dispositif d'Indemnisation de la perte d'activité)

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Marcel GARRIGOU-GRANDCHAMP - 25 avril 2025


Le DIPA était censé indemniser la période de confinement de la crise COVID en 2020 (du 16/03/2020 au 30/06/2020, soit 107 jours).

Les CPAM ont versé des avances aux professionnels de santé ayant sollicité le dispositif, sauf que les règles n’ont été définies qu’à postériori (le 30/12/2020 par Décret) et que les CPAM ont alors réclamé, à la suite d’un calcul « alambiqué » le remboursement d’indus à ces professionnels.

Les 2 premiers articles du Décret n°2020-1807 du 30 décembre 2020  (relatif à la mise en œuvre de l’aide aux acteurs de santé conventionnés dont l’activité est particulièrement affectée par l’épidémie de covid-19) fixent le mode de calcul du montant de l’indemnisation :

« Article 1 : L'aide aux acteurs de santé instituée par l'ordonnance du 2 mai 2020 susvisée permet de couvrir les charges fixes des professionnels de santé comme suit :
1° Pour la période du 16 mars 2020 au 30 juin 2020 pour les professionnels de santé, les centres de santé et les prestataires visés à l'article 1er de l'ordonnance du 2 mai 2020 susvisée ;

2° Pour la période du 15 octobre 2020 au 31 décembre 2020 pour les médecins exerçant leur activité en établissement de santé et ayant subi une baisse d'activité due aux déprogrammations de soins non urgents visés à l'article 1er bis de la même ordonnance.
Le montant de l'aide et les charges fixes mentionnés au premier alinéa sont déterminées selon les modalités prévues à l'article 2 du présent décret.

Article 2 : I. - Le montant de l'aide est déterminé selon la formule suivante :
Montant de l'aide = (H2019 - H2020) × Tf – A… »

La valeur de H2019 correspond au montant total des honoraires sans dépassement perçus en 2019 par le professionnel de santé réduit à due proportion de la période mentionnée au 1° de l’article 1 : c’est-à-dire après l’application du coefficient 107/365, c'est à dire une moyenne !

La valeur H2020 correspond au montant total effectif (et non calculé) des honoraires sans dépassement facturés ou à facturer par le professionnel de santé durant la période de l’aide mentionnée au 1° de l’article 1er  (16 mars au 30 juin 2020)

Manifestement le but de ce calcul « alambiqué » était de minoriser les honoraires de référence (2019) en incluant l’ensemble des périodes de vacances prises au cours de toute l’année 2019 !

La valeur Tf correspond au taux de charges fixes moyen déterminé en fonction des charges fixes moyennes

La valeur A correspond au total des indemnités, des allocations et des aides mentionnées à l’article 2.

Devant l’injustice de ces mesures envers les professionnels de santé (aucune autre profession n’a du rembourser des aides du « quoi qu’il en coûte »), les plus courageux ont sollicité leur assurance défense-recours et saisi le pôle social du TJ  (Tribunal Judicaire) de leur département en contestation de ces indus avec des résultats différents en fonction des départements.

Je ne vais évoquer ici que les principaux arguments retenus par les juges des TJ :

1)- Les rémunérations forfaitaires devraient être incluses dans le calcul :
  • TJ de MOULINS (jugement n° RG 22/00609 du 28/11/2022)

2) Les dates des versements ne sont pas précisées au niveau de la demande d’indus et les modalité de calcul du montant du DIPA ne sont pas détaillées:
  • TJ de QUIMPER (jugement n° RG 22/00044 du 13/02/2023)

3) Les CPAM (Caisse Primaire d''Assurance Maladdie) ne peuvent se substituer à la CNAM (Caisse Nationale d'Assurance Maladie) pour les demandes d’indus :

  • TJ de ROANNE, jugements n° RG 22/00032 du 28/03/2022, 22/00040 du 10/03/2023, 23/00041 du 10/03/2023, 23/00042 du 10/03/2023.
  • TJ de PRIVAS (jugement n° RG 22/00055 du 27 avril 2023), le juge ayant interrogé le CE (Conseil d’État) sur le sujet, FMF associée et plusieurs TJ en attente de la décision du CE : TOULOUSE, PERIGUEUX, MULHOUSE.
  • TJ du NÎMES (jugement n° RG 22/00092 du 11 septembre 2023),
  • TJ de TARBES (un jugement n° RG 22/00093 du 14 septembre 2023),
  • TJ de FORT-DE-FRANCE (jugement n° RG 23/00045 du 2 février 2024),
  • TA (Tribunal Administatif) de NANCY (ordonnance n° 2303737 du 6 février 2024)
  • TJ d’ARRAS (jugement n° RG 22/00202 du 19/12/2024)
Ces arguments ont été écartés par les décisions du Conseil d’État n° 473854, 488285, 488578, 491517, 491602 du 23 mai 2024 et les intervenants pouvaient légitimement penser que tout était « plié » !

Mais 2 décisions en 2025 sont venues infirmer cette position:
  • Celle du TJ de NANTERRE du  07/01/2025  jugement n° RG 22/00334 (voir article dédié sous ce lien) pour insuffiances dans la motivation de la mise en demeure (références erronées aux articles concrnés du code de la sécurité sociale et absence de la mention de la date du ou des versements.
  • Et une récente décision du TJ de PAU SITE DES HALLES (jugement n° RG 22/00059) rendue le 7 avril 2025 (pourquoi si tardivement ?) a décidé d’annuler les indus en raison de la prescription de l’action de recouvrement non interrompue par la CPAM ; l’indu avait été réceptionné le 15/09/2021, il pouvait donc prescrit le 15/09/2024 en l’absence:
    • De reconnaissance de l’indu par le médecin,
    • De l’absence de mise en demeure de payer émise par la CPAM au cours du délai mentionné à l’art L133-4 du code de la sécurité sociale.
En justice rien n’est jamais gagné, rien n’est jamais perdu, tant que tous les recours n’ont pas été examinés  par les juridictions !